Aftersun suit les vacances en Turquie d’un jeune père célibataire et de sa fillette de 11 ans. Conjuguées au présent, ces vacances ont tout de la chronique pré-adolescente composée d’anecdotes, sans rebondissement ni autre rythme que de suivre le cours des journées, les relations entre le père et la fille, le mood doux-amer du moment. C’est ce qu’elles sont, d’une certaine façon. Aftersun a un premier niveau de lecture dans l’instant présent de cet été 1997, baigné dans la musique pop qu’on écoutait partout (la Macarena, Blur, All Saints etc…) et il suit le fil des journées, en son centre le lien qui unit la fille à son père. Cependant, des indices laissent à voir que le film est le souvenir de la fillette devenue adulte. Un souvenir recomposé par le regard d’une femme qui aborde le même âge qu’avait son père lors de cet été, et qui reconstitue ces moments à la lumière d’une tragédie qui a eu lieu peu après, qui rend ces vacances particulièrement importantes.
La réalisatrice britannique Charlotte Wells ne s’étend pas beaucoup sur cette femme, mais elle est au centre du deuxième niveau de lecture du film. Lors d’une des premières scènes, Sophie s’endort et la caméra se déplace lentement vers son père Callum. Nous le voyons danser à l’extérieur, de dos. Le plan s’attarde, nous signifie qu’elle n’est plus la seule héroïne du récit. Le deuxième niveau de lecture se précise, celui qui cherche à nous dire « regardez Callum autant que Sophie ». Certaines zones d’ombres sur le personnage apparaissent alors. On prête beaucoup plus d’attention aux plans où on le voit seul, à ses réactions incohérentes, aux traces d’un mal être qui ne peut être ressenti complètement par une fillette, qui peuvent paraître n’avoir aucun sens dans le présent lorsqu’on voit son plaisir évident à être avec sa fille. Ce deuxième niveau de lecture venu du futur est extrapolé par Sophie adulte, mais il s’intègre si bien au premier niveau qu’on peut profiter de la joie présente que procure Aftersun, tout en portant ce regard venu du futur qui force à reconsidérer chaque instant, chaque détail avec l’importance qu’il mérite.
Et Aftersun a beau être un film très pudique, il en fournit, de beaux moments de communion. Simples et touchants, sans verser dans les grandes envolées. La complicité du père et de la fille séduit des les premiers moments du film. Tous les deux jeunes (on apprend que Callum n’a que 31 ans), ils prennent part avec le même plaisir à cette parenthèse hors du temps. Pétillante et charismatique, la jeune actrice Frankie Corio rayonne sans trop en faire. Elle a de quoi apprendre de son partenaire de jeu Paul Mescal (Normal People). La carrière de l’irlandais interprète de Callum est en pleine phase ascendante. Il a été nommé aux Oscars 2023 – catégorie meilleur acteur – pour ce rôle et nous le reverrons dans Gladiator 2 (toujours réalisé Ridley Scott) aux alentours de 2025 Aftersun est encore diffusé dans quelques salles, et il vous fait de l’oeil. N’hésitez pas à y plonger à l’occasion.
Réalisation : Charlotte Wells
Scénario : Charlotte Wells
Directeur de la photographie : Gregory Oke
Montage : Blair McClendon
Musique : Oliver Coates
Chef Décorateur : Billur Turan
Direction Artistique : Guzin Erkaymaz
Casting : Lucy Pardee
Production : Lia Buman, Mark Ceryak, Kelly Duffell, Ipek Erden, Lizzie Francke, Kieran Hannigan, Tim Headington, Amy Jackson, Barry Jenkins, Ana Leocha, Adele Romanski, Neil Shah, Alex Sutherland, Eva Yates
Pays : Royaume-Uni, USA
Durée : 1h42
Sortie en salles le 1er février 2023

Acteurs Principaux : Frankie Corio, Paul Mescal, Celia Rowlson-Hall, Sally Messham, Brooklyn Toulson
Genre : Chronique, Drame
Note : 7,5/10
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