Créateurs / Showrunners : Sterling Harjo, Taika Waititi
Scénario : Sterling Harjo, Taika Waititi, Bobby Wilson, Sydney Freeland, Tommy Pico, Tazbah Chavez, Dallas Goldtooth, Ryan RedCorn, Migizi Pensoneau, Chad Charlie, Devery Jacobs, Erica Tremblay
Réalisation : Sterling Harjo, Tazbah Chavez, Blackhorse Lowe, Sydney Freeland, Erica Tremblay, Danis Goulay
Directeur de la Photographie : Marc Schwartzbard, Christian Sprenger
Montage : Varun Viswanath, Gina Sansom, Yana Gorskaya, Dane McMaster
Musique : Mato Standing Soldier
Chefs Décorateurs : Brandon Tonner-Connolly, Richard Toyon, Matt Hyland
Direction Artistique : Matt Hyland, Andy Eklund, Frances Lynn Hernandez, Paul Luther Jackson
Pays : USA
Durée : 8 x 25-30 mn
Diffusé sur Disney + depuis le 13 octobre 2021. Saison 2 en cours.

Acteurs Principaux : Devery Jacobs, D’Pharaoh Woon-A-Tai, Lane Factor, Paulina Alexis, Sarah Podemski, Zahn McClarnon
Genre : Comédie, Drame, Teen
Note : 8,5/10
Dans notre édito du nouvel an, nous mettions l’accent sur la pauvreté de l’année 2021 sur les nouvelles séries prometteuses. C’était oublier Reservation Dogs, un OFNI débarqué en octobre dernier sur Disney +, après un passage américain remarqué sur Hulu. L’oubli était d’autant plus impardonnable que le co-créateur de cette nouvelle série au format court était Taika Waititi. Le même néo-zélandais qui tourne en orbite sur la galaxie Disney au point d’être autorisé à livrer au MCU un film aussi iconoclaste et kamikaze que Thor : Love and Thunder (au demeurant moins bon que Thor Ragnarok, mais plutôt distrayant). Le même qui co-créa le film What we do in the Shadows, qui a donné naissance à la série vampirique la plus déjantée du moment. Sur Reservation Dogs, le trublion vient en appui au réalisateur/scénariste séminole Sterlin Harjo pour donner naissance à quelque chose d’inédit : Une série teen qui se déroule dans une réserve indienne, produite et réalisée par une équipe de natifs américains.
Audacieuse, Reservation Dogs s’aventure sur un terrain glissant avec l’aplomb et l’humour iconoclaste que Taika Waititi a su insuffler à ses créations précédentes. La vie des descendants des peuples autochtones des Etats-Unis d’Amérique est une tragédie. Condamnés à adopter une culture imposée et contraire aux aspirations de leurs ancêtres, ils vivent dans un sentiment constant de perte. En reprenant les codes du film de gangster, les showrunners se situent dans la continuité des autres laisser pour compte de l’Amérique (leur mal est très particulier, mais il a un contexte plus large inhérent à la culture américaine), mais ce côté gangsta n’est qu’une façade, un point d’entrée à la gestion d’un deuil commun. Nos quatre héros adolescents, Elora Danan, Bear, Cheese et Willie Jack veulent quitter les lieux pour partir en Californie, éviter de vivre la vie des adultes de leur réserve d’Oklahoma. Une vie de pauvreté sans véritable horizon. C’était aussi le rêve du cinquième larron, Daniel, qui est décédé dans des circonstances qui ne nous sont pas de suite révélées.
En guise de deuil, les quatre ont mis un coup d’accélérateur sur le projet, comme si c’était une condition de leur survie. Ils volent et commettent divers larcins pour pouvoir réunir suffisamment d’argent – se rêvant comme un gang dans le sillage des héros du Reservoir Dogs de Tarantino. Leur tâche n’est pas si compliquée face à un policier plutôt inoffensif (incarné par Zach McClarnon, vu dans Longmire). Mais un nouveau gang veut régner sur la réserve, les MDM, et ils devront faire valoir leur droit. Le deuil, la recherche d’une identité, l’argent facile. Les « reservation dogs » partagent plus qu’ils ne pensent avec leurs parents, oncles, cousins, mais ils ont cette énergie de la jeunesse, et une grande lucidité. D’un naturel et d’une profondeur revigorants, la mélancolique Devery Jacobs, le sémillant D’Pharaoh Woon-A-Tai, l’affable Lane Factor et l’irrésistible Pauline Alexis portent très haut leurs personnages, autant dans les scènes de comédie que dans le drame. Ils constituent sans aucun doute le groupe d’adolescent le plus attachant vu dans une série depuis le quatuor des corners de la saison 4 de Sur Ecoute.
Contre toute attente, leur carrière de gangster ne sera pas le centre de la série. Le groupe des quatre est le point d’entrée de la réserve, celui qui permettra de visiter ses recoins, son passé, ses habitants, l’assimilation locale de la culture de leurs colons, l’espace d’une première saison très riche. Chaque épisode permet de découvrir une partie de l’âme de cette réserve à travers des personnages réalistes, mais qui conservent une part de la fantaisie et de la superstition de leurs ancêtres. Différentes créatures du folklore viendront donc peupler cette saison, ainsi que le fantôme d’un « ancêtre » potache qui vient régulièrement visiter Bear. Reservation Dogs n’est pas une série fantastique à proprement parler. Mais elle est traversée d’un réalisme magique qui intègre la superstition au banal, qui la traite comme un élément du quotidien. Elle permet d’ajouter de la poésie et du sens à la vie médiocre à laquelle ces autochtones sont condamnés. Le réalisme magique s’allie à merveille avec l’humour un peu absurde qui traverse cette visite. Un humour parfois noir, mais jamais aux dépens des personnages, croqués avec amour dans leur défaut comme dans leurs qualités. Les seconds rôles, maillon important d’une comédie, sont au diapason, et rejoints parfois le temps d’un épisode par des têtes plus connues (Macon Blair, Garrett Hedlund, Bill Burr ou Wes Studi). Reservation Dogs est un creuset qui équilibre à merveille tout ce qu’il intègre. A fleur de peau et près de ces adolescents comme un Freaks and Geeks, ou un Angela 15 ans, humaniste et poétique. Une série de plus dans le sillage de FX qui est faite pour durer. On lui souhaite le même destin qu’Archer, It’s Always sunny in Philadelphia et What we do in the Shadows.
La saison 2 de Reservation Dogs est en cours de diffusion aux Etats-Unis.